Entre délire hospitalier et folies sur papier
Le 3 avril 2022 restera une date gravée dans ma mémoire pour longtemps. Un, parce que c’est et sera toujours la fête de mon frère. Deux, parce que c’est la première fois de ma vie que je montais dans une ambulance sur une civière. Je venais de subir une commotion cérébrale. Mon chum m’avait retrouvé dans la cuisine par terre en convulsions et mon fils de 4 ans et demi, qui écoutaient ses vidéos, n’a même pas daigné se lever pour voir la scène. Il m’a simplement répondu plus tard : « Mes vidéos étaient trop intéressants! » .
J’ai chuté parce que j’ai volontairement cessé
subitement de prendre un médicament que je prenais pour la douleur (je souffre
de douleurs chroniques depuis près de vingt ans et mon médecin venait de
changer ma pilule pour une nouvelle médication). Or, je ne savais pas que ce médicament
devait être arrêté progressivement, ce n’était pas le cas pour l’ancienne
médication.
Mais quand t’as la bouche tellement sèche que
tu dois boire 20 litres d’eau par jour pour t’hydrater, tu te dis : « Au
y’able la pilule! ». Je suis donc tombée… du haut de ma chaise de cuisine.
Apparemment, mon garçon peut en témoigner, ce n’était pas comme une fille qui
s’évanouit parce qu’elle vient d’apercevoir Justin Bieber, non; je suis plutôt
tombée raide comme un piquet, à pleine face sur le plancher, dans un violent Bang.
En reprenant mes esprits, je constate que mon
chum me traîne par la taille jusqu’au salon et en moins d’une, je m’affale
mollement sur le sofa, puis je tombe (au sens figuré cette fois), dans un état
de transe où la sueur ne tarde pas à mouiller tous mes cheveux. J’ai vraiment
l’impression de faire une crise d’angoisse monumentale comme je n’en ai pas
fait depuis ma vingtaine. Mon chum appelle le 911 et je me demande, mais
pourquoi appelle-t-il le 911, c’est juste une bête crise d’angoisse? Je n’ai
aucune idée que je viens de tomber. Black-out total. Et là, je vous le
jure, juste pour faire mentir les statistiques, mon chum n’avait même pas
raccroché avec le 911 que déjà j’entendais la sirène du camion de pompiers,
tourner le coin de notre rue.
Bon, me retrouver dans cet état entouré de
magnifiques pompiers aurait dû me redonner une contenance, mais non, j’étais
complètement perdue, hyperventilant, si bien qu’ils m’ont plutôt donné un
masque à oxygène que de me faire le bouche-à-bouche. Ensuite, l’ambulance
arrive (ok, elle n’a pas battu les statistiques celle-là), et là, je
vois-tu pas un beau latino débarquer dans mon salon (exit les pompiers),
pendant que je suis en train de vomir ma vie. Et sa façon de dédramatiser le
tout fut de me demander à quel restau j’avais mangé ce soir-là, pour qu’il n’y
mette jamais les pieds! Blague à part, l’ambulancier qui est entré chez nous ce
soir-là, je ne l’oublierai pas de sitôt. Primo, parce qu’il a pris 40
minutes de son temps pour calmer ma crise d’anxiété sans broncher, secundo,
grâce à son calme légendaire et ce qu’il disait pour me rassurer. J’ai réalisé
ce soir-là que les ambulanciers qu’on voit filer dans la circulation avec leurs
multiples affiches de Vous suivez des paramédics en grève!, sont des
gens en or. Leur métier est grandement sous-estimé. Bête de même.
En tout cas, mon latino à moi (désolée, je sais
que je fais de l’appropriation culturelle, mais je ne me souviens plus de son
nom, j’espère que c’est excusable); il ne m’a pas rushé pour que
j’embarque sur sa civière. Et ça c’est SI, j’avais pu embarquer sur ladite
civière comme une personne normale (euh, enfin…), qui embarque sur une civière franchissant sa
porte d’entrée. Mais non. Parce que mon balcon n’était supposément pas « aux
normes ». Ost** de tabar*** de cri***!!! Ça fait un an que je demande à mon
chum de mettre le balcon à niveau!! J’ai donc été forcée de descendre dignement
les marches, cramponnée à la rampe et à mon beau latino (y’avait au moins ça de
bon), avec ma sacoche collée sur moi, pour ainsi m’évacher sur la civière en
priant pour que les voisins ne regardent pas… mes prières n’ont pas été
exaucées. 😉
Finalement, j’embarque dans l’ambulance, et j’aperçois
mon fils me regarder à travers la fenêtre du salon et son père gentiment
l’attraper par le collet afin que la scène ne s’imprime pas dans son cerveau.
Tsé, comme dernière image, ce n’est évidemment pas celle que tu veux laisser à ton
enfant!
Mon paramédic me demande à quel hôpital j’aimerais
aller et je lui réponds sans hésitation : « Maisonneuve-Rosemont ». C’est
le plus proche et c’est celui auquel j’ai accouché. J’aime cet hôpital d’amour,
même s’il est désaffecté, parce que j’ai en partie grandi en face.
Sauf que la personne à l’autre bout du walkie-talkie
(ou de whatever comment on appelle ça aujourd’hui), brise soudainement
mon rêve : « C’est plein. Ça va être le CHUM ». Je ne sais pas si vous le
savez, mais le CHUM est situé à 12 km au bas mot de chez moi, ce qui, avec les
nids-de-poule de la rue Notre-Dame, m’en paraîtra 60. Vomir dans une ambulance
au son de musique latino d’un club dansant, c’est vraiment une expérience transformatrice
dans une vie. Je suis arrivée au CHUM, et j’étais fin prête pour mon test
d’arythmie cardiaque. Il s’est avéré négatif. Première bonne nouvelle de la
soirée (et la seule). Une fois mon beau latino parti, je l’avoue, j’ai trouvé
ça un peu plus rough. On m’a parké sur un lit dans le couloir.
Nous sommes en pleine vague de Covid après tout (ou pas, enfin, c’est pareil,
j’aurais été parkée dans le couloir de toute façon). Et là, je décide que
je me sens mieux et pourquoi pas, je vais faire un p’tit tour aux toilettes.
L’image que j’ai vu de moi dans la glace ce soir-là, elle restera à jamais
figée dans mon esprit à défaut d’avoir pu la prendre en photo. J’ai des
ecchymoses partout sur le visage et dans le cou, j’ai saigné du nez, et en
prime, j’ai presqu’un œil au beurre noir. Quand j’ai raconté ça à une amie plus
tard, elle était sidérée que personne n’est levée le flag pour se
demander si je n’avais pas été battue! Bon point. Mais mon chum ne ferait
jamais ça et puis pour avoir l’air d’être une femme battue, semble-t-il que
j’étais assez bonne pour faire ça toute seule!
Donc, je retourne sur mon lit. Et là, une
infirmière vient me voir pour m’apprendre que je ne suis plus une priorité, et
que je vais devoir migrer vers la salle d’attente de l’urgence pour voir le
médecin! J’arrive dans la salle d’attente, y’a pas un maudit siège double où je
peux me coucher pour dormir (y’é quand même 23 heures); et on m’annonce que
j’en ai pour des heures à attendre. Je retourne voir l’infirmière et je tente
le coup : « Madame, désolée, mais si c’est comme ça (autrement dit si vous
ne pouvez pas me redonner un lit), je rentre chez moi ». Elle refusera, pas de
lit oblige. Mais j’ai vraiment besoin de me reposer… Elle me répondra donc,
survolant mon dossier : « D’accord, mais faites juste appelez votre
médecin de famille demain pour l’aviser de ce qui s’est passé ».
Tout ça pour ça! Vous auriez dû voir la tête de
mon chum quand je suis rentrée à la maison!
Par la suite, les choses ont déboulé assez
vite. Je me suis couchée, puis je me suis mise à réangoisser. Mon chum m’a chuchoté,
pour me calmer, de visualiser lorsque je gonflais mon ventre une belle lumière
qui envahissait tout mon corps et quand j’expirais, une fumée blanchâtre qui
sortait par le dessus de ma tête… Merci aux cours de yoga auxquels nous nous
étions inscrits avant d’avoir fiston! J’ai fait ça toute la nuit, sans
m’endormir. À l’aube, j’étais tétanisée. J’étais si angoissée que j’avais le
sentiment de ne plus sentir mon bras gauche. Et ce sont ces paroles magiques
qui ont fait bondir mon chum hors de notre lit et vite, une deuxième virée à
l’hôpital! Cette fois nous sommes allés à Maisonneuve-Rosemont, au diable le
CHUM, je fais un ACV! Cependant, une fois rentrée dans le vieux pavillon
principal, on s’est fait arrêter par un membre du personnel: « Est-ce que c’est
pour lui que vous venez? », a-t-il questionné, pointant mon fils. J’ai oublié
de vous dire qu’il était du trajet. En fait, il semblerait, j’vous glisse un p’tit
secret ici, que si vous voulez voir vite un médecin à l’urgence en pleine
pandémie, vous n’avez qu’à apporter votre enfant, et vous n’aurez même pas le
temps de vous assoir! Et vlan, me v’là étendue dans un autre lit… Et dans une
chambre cette fois… Et pas n’importe laquelle, une chambre avec des portes vitrées
coulissantes! Le gros luxe sale. Sauf que pour me rendre là, c’que je vous ai
pas dit, c’est que j’avais un peu perdu la boule. La crise cardiaque étant
écartée, disons que je glissais de plus en plus dans la confusion, pour ne pas
dire, le délire, comme une vraie personne qui a subi une bonne vraie commotion
cérébrale. J’étais incapable de confirmer l’heure et le jour que nous étions, encore
moins la date. Quant à l’âge de mon fils, je n’étais plus sûre, je croyais
qu’il avait… 2 ans! On est donc passé de tout va bien, je quitte l’urgence
du CHUM à tout ne va pas bien, 2e entrée à l’hôpital et cette
fois, dans celui que j’veux! Le bonheur quoi! Surtout que mon affection
pour Maisonneuve-Rosemont réside aussi dans le fait que c’est ici que j’ai
accompagné ma grand-mère vers la mort. Pour quiconque n’a jamais entré dans la
chambre d’un mourant, je vous le recommande, c’est une expérience vivifiante
qui vous apaise grandement… Surtout pour une personne souffrant d’anxiété! Mais
bon, j’ai déjà écrit là-dessus, allez voir dans mes archives!
L’affaire, c’est que, je ne le sais pas encore,
mais c’est un peu à cause de ces souvenirs chers à mon cœur que je commence à
perdre la tête. Je suis, je vous le rappelle, dans un espace fermé, en pleine
vague de Covid; et qui plus est, il y a moins de 24 heures, je me suis presque
fait jeter dehors du CHUM! J’en conclus rapidement: Je vais mourir. Pareil
traitement de luxe, on n’offre pas ça à une fille un peu perdue qui a fait une commotion
cérébrale, ça se peut juste pas, dans notre système de santé! Pour culminer l’escroquerie,
on m’a imposé une préposée au bénéficiaire à mon chevet. Et elle me suit même
quand je vais aux toilettes (bon, elle m’attend à l’extérieur, mais quand même)!
Je CAPOOOTE, je vais mourir!!! Et sans prévenir, en regagnant mon lit, je transitionne
vers une démence orale très sentie :
-AAAAAAAAAAHHHHH, JE MEUUURS!!! (Ma poitrine
se gonfle). Didascalie.
C’est quand même important les didascalies, je
me croirais au théâtre, je narre ma propre mort :
(Pouf, je m’écrase sur mon lit, ma tête se
tourne vers la droite, et paf, je suis morte).
C’est dans cet état que me retrouvera mon chum
après avoir déposé notre fils à la garderie. Les heures qui suivront ne seront
qu’une longue enfilade dramatique de la séquence ci-dessus. Si bien que le
lendemain, lorsque mon chum me retrouve répétant ainsi :
-AH, JE MEURS! (pif, fini, torse et tête
relâchés sur l’oreiller);
Il s’est mis à pleurer toutes les larmes de son
corps! Mon chum qui pleure devant moi… Câline… C’est clair que je vais mourir!!!
Puis tout à coup, ça me vient, si on m’a isolé dans cette pièce aux portes
vitrées, c’est sûrement parce que tabarnouche, je l’aie la Covid! BINGO. J’ai
enfin trouvé de quoi je mourrais! Et comme si ce n’était pas assez d’énervements,
on m’annonce que je vais passer une IRM. Je n’ai aucune espèce d’idée de ce
qu’est une IRM mais il semblerait que c’est de l’imagerie cérébrale. Bof, cela
ne peut pas faire de tort. Une fois déposée sur la table qui m’insérera dans le
long tunnel blanc pas rassurant, je pose les yeux au ciel en attendant d’entrer,
dans la patente.
Aparté : Si vous êtes du personnel de
Maisonneuve-Rosemont et que vous lisez ces lignes, svp, prenez note :
Dessiner un ciel bleu poudre avec un soleil radieux, des petits oiseaux qui
chantent pis toute le kit, (j’ai même cru voir des anges); bref, un ciel de
paradis, c’est pas l’idée du siècle avant d’entrer dans un tunnel! Faque le
tunnel, j’en suis sortie en me débattant et en agrippant mes bras et mes jambes
à la paroi, pour mieux reculer. C’est quand même pas vrai que j’allais mourir
de même, au bout d’un long tunnel frette, même si je savais que le paradis
m’attendait, avant la fin de mes jours en plus!
Vous auriez dû voir la face de la madame quand
elle est allée raconter à mon chum comment j’étais sortie de là… Un peu plus et
elle lui affirmait qu’elle n’avait jamais vu ça en 35 ans de carrière! Come
on! Bref, retour au bercail, confinée entre quatre murs, avec mon chum qui
me jure que je n’ai pas la Covid (du moins, pas encore). Et comme il n’arrête
pas de pitonner sur son cell, il me prends-tu pas l’envie de regarder mes
courriels. En somme, j’étais en train de répondre à un de mes clients quand
j’ai vu le cellulaire s’envoler de mes mains pour ne réapparaître… que 2 jours
plus tard!
Nuit. Hôpital Maisonneuve-Rosemont.
Je ne sais pas que c’est la nuit. Mais je sais
que mon chum n’est plus là et qu’une autre préposée aux bénéficiaires est miraculeusement
apparue (quand même, y’a des patients qui tueraient pour avoir une préposée attitrée
à soi!). Pis celle-là, ben disons qu’elle aime bien son cellulaire, si bien que
je n’ai aucun souvenir de son visage relevé vers moi. De mon côté, je n’en ai
pas fini avec ma psychose. Je vois ben que chu pas morte. Ça fait presque 2
jours que j’suis là, je n’ai toujours pas dormi, aussi bien crever (dans ma
tête, si je sombre dans le sommeil, je meurs); faque non, je ne vais pas
dormir. Mais là, je m’remets à penser… Aye, c’est vrai, j’suis propriétaire
d’une entreprise moi… Depuis combien de temps déjà… 4 jours? Oui, c’est ça, 4
jours (en réalité, ça fait un peu plus longtemps, mais bon)… Coudonc, ça doit
être pour ça que j’avais l’impression de faire un ACV… J’ai toujours douté que
j’avais les nerfs assez solides pour racheter l’entreprise de mon père… J’AI
TROUVÉ : Je suis ici parce que je vais mourir d’un ACV parce que ça
fait juste 4 jours que j’ai signé, pis, ben, c’est évident, ÇA ME STRESSE TROP!
De toute façon, s’occuper d’un enfant en bas âge à 44 ans pis d’une entreprise,
c’est ben trop pour une fille qui fait de l’anxiété depuis sa jeunesse!
Parenthèse : À ce moment précis, personne
ne sait encore pourquoi je suis à l’hôpital, ni même mon chum, ni même le
médecin de garde, et surtout pas moi-même! J’en déduis que définitivement, faut
que j’appelle le notaire, faut résilier la vente de l’entreprise, et que ça
saute! Petit problème, je n’ai pas de téléphone. Je tente alors de convaincre
la préposée aux bénéficiaires que c’est beaucoup trop pour moi Volton (le nom
de ma compagnie), et qu’avoir un enfant à mon âge, les deux responsabilités en
même temps, c’est trop, donc faut appeler le notaire! Je l’ai achalé avec ça pendant
des heures. Exaspérée, elle a fini par me pousser une phrase (à peu près la
seule qu’elle ait prononcé), les bras dans les airs, avec son cellulaire :
« Mais c’est quoi ça, VOLTON?!! » . J’aurais reçu une gifle en plein visage que
ça aurait été pareil. Non seulement elle ne savait pas ce qu’était Volton, MON
entreprise, mais en plus, elle m’avait littéralement lancé en pleine face ce
que j’ai interprété comme un : « What the fuck is Volton?! ».
C’est à partir de là que j’ai commencé à me
calmer (il était temps, vous me direz), et que je me suis enfoncée dans une
lente agonie, en acceptant cette fois que, ben d’la marde, m’a mourir d’une
crise cardiaque à 44 ans. C’est comme si tout à coup, lasse de mon sort, épuisée
de tant d’heures à m’énarver, j’acceptais finalement que j’allais mourir 4
jours après avoir signé l’acte de vente de Volton. Dans ma tête, j’ai
soudainement entendu mon chum et mon père me murmurer : « C’est correct
Julie, on va en prendre soin du petit et de Volton. Tu peux partir en paix. ». Et
ceci répété ad nauseum. Le plus bizarre dans tout ça, c’est que je
sentais mon père me tapoter le bras, toujours dans ma tête, comme je l’avais vu
faire pour ma grand-mère alors qu’elle était sur le point de décéder. Vous
voyez : La boucle se bouclait. J’ai alors accepté de mourir dans ces
circonstances, quasi sereine en me répétant que pour une courte vie, j’avais
quand même vécu de bons moments.
Après ce qui m’a paru une éternité (j’ai eu
l’impression de dormir 36 heures d’affilée), je me suis réveillée, pas morte,
surprise de ne pas l’être, et couchée en position fœtale. Oh my god, j’avais
SURVÉCU! Pis la préposée en face de mon lit avait disparu! C’était plus que bon
signe, ça voulait dire que j’étais SAUVÉE! Bon de moi-même, mais sauvée quand
même. Deux rôties traînaient sur un plateau à côté de mon lit. J’en ai pris une
pour l’engloutir… et j’ai pris toute l’ampleur du coup de bat de
baseball que j’avais reçu du côté droit de la mâchoire.
Mes yeux se sont ensuite posés sur une pompe
d’asthme, déposée-là durant mon sommeil. Ben oui, la medame a fait de
l’asthme en plus. J’ai levé les yeux. Je n’étais plus dans ma belle chambre
vitrée, mais plutôt dans un espace avec rideau entre moi et les autres
patients, en face du bureau des secrétaires. Je venais de downgrader mon
séjour à l’hôtel, en revanche, ça voulait dire que j’allais vraiment mieux…
Jusqu’à temps que je saisisse la fameuse pompe d’asthme. Elle indiquait une
date périmée. Re-plongeon dans le doute. Quelle date sommes-nous? Et qui sont
ces gens en face de moi? Aucun de leurs visages ne me dit rien. J’ai tellement le
sentiment d’avoir dormi longtemps que j’ai l’impression qu’on est un mois plus
tard… Ou encore, des années? C’est quand la dernière fois que j’ai vu mon chum
ici? Il m’a peut-être abandonné, voyant que j’étais folle et que mon état dit «
normal », ne revenait pas. En gros, j’ai la sensation d’être dans une mauvaise
version de Retour vers le futur. Je me lève et va voir le secrétaire
derrière son ordinateur :
-Moi : Monsieur, ma pompe d’asthme est
expirée depuis mars 2022.
-Lui : Ah, madame, c’est pas grave, on est
juste en 2040!
Je blague, il m’a tout bonnement lancé : «
Même un mois plus tard, c’est encore bon ». Je me suis alors rassise sur mon
lit puis je me suis rendue à l’évidence : Je n’étais pas dans une version cheap
de Retour vers le futur, j’étais dans la vraie vie, en 2022, en pleine
vague de Covid… ÇA VA BIEN ALLER…
Une psychiatre est, je dirais, FINALEMENT,
venue me voir : « Madame, trouvez-vous ça normal de dormir aussi longtemps?
». Euh… oui. Quand t’as mimé que t’allais mourir dans la meilleure version de
tes talents d’actrice (ça aurait certainement mérité un Oscar ou au moins, un
Golden Globe); donc, oui madame, c’est normal d’être épuisée après une
performance de même! Elle m’a ensuite rappelé les niaiseries que j’avais
débitées (nul besoin), et m’a signifié que je semblais vivre beaucoup de stress
dans ma vie, et qu’il serait peut-être bon que je consulte, afin de mieux vivre
avec mes angoisses, question de ne plus engorger le système de santé (ok, ce
dernier point, elle ne l’a pas nommé). Elle a terminé en m’interrogeant : «
Ça fait combien de temps que vous avez pris une semaine de vacances sans regarder
vos courriels? ». Euh… Ben, je viens de
le faire? Bon… Force était d’admettre qu’elle avait raison, j’étais incapable
de me souvenir de la dernière année où j’avais pris des vacances sans regarder
mes courriels d’la job. En conséquence, elle m’a inscrite sur leur liste
d’attente pour un suivi en psychiatrie. Je venais de gagner le gros lot : Un
an ou plus d’attente. M’a te prendre un 6/49!
Quand mon chum est enfin arrivé ce matin-là, ça
m’a rassuré. Un, il ne m’avait pas abandonné. Deux, il avait le sourire fendu
jusqu’aux oreilles. Ça ne lui avait pas pris 2 secondes pour réaliser que je
n’étais plus en train de mimer que je mourrais!
J’ai donc finalement passé l’IRM (avec
médication cette fois et sans regarder le ciel paradisiaque au-dessus de ma
tête, conseil de mon chum); puis on m’a donné mon congé en après-midi. J’ai eu
un bon petit (gros) mal de tête durant des jours, et à part que j’avais perdu
un morceau de palette d’une de mes dents d’en avant, tout allait comme sur des
roulettes :
1. Je n’allais pas mourir.
2. On m’a bien expliqué que c’était le
médicament que j’avais arrêté brusquement qui avait été la bougie d’allumage.
On appelle ça dans le jargon, « l’effet rebond ». Accessoirement, mon taux de
sodium étant affreusement bas, ça avait eu pour effet d’alimenter la confusion,
tout comme ma commotion cérébrale.
3. Les 2 derniers mois avaient eu beau être
stressants au travail, ma mère avait quand même élevé deux enfants de façon
monoparentale, en plus d’avoir une job très prenante, et trois maisons à s’occuper,
dont deux blocs appartements. Je m’estimais donc capable de garder mon
entreprise et d’élever un enfant… à mon âge vénérable!
En définitive, j’étais juste heureuse d’être en
vie. Et pendant 2 semaines, j’ai vécu dans une espèce d’euphorie orgasmique. Si
bien qu’une de mes amies s’est un jour exclamée : « Coudonc, veux-tu ben
me dire quelle pilule du bonheur ils t’ont donné à l’hôpital?! ».
La rose. Oui, celle qui vous fait vivre une
journée à la fois, en ayant un plaisir aphrodisiaque à faire votre lavage, doublé
d’une urgence de vivre qui vous pousse même à planifier une escapade en
Montgolfières avec votre amoureux parce que, pif, la peur des hauteurs, c’est
quoi accomparé au merveilleux monde que je pourrais voir d’en haut? Et sans
ciel bleu avec trop d’oiseaux, svp!
P.S. : Rassurez-vous, depuis, j’ai fait un
tour chez ma psy… J’en profite d’ailleurs pour le dire, aller chez le psy en
2022, ça ne devrait pas être vu comme elle ou il, a un problème. Me
semble qu’on a dépassé ce niveau-là. Puis une mise au point, si c’est bon pour
une auto, ça devrait être bon pour un humain à certains moments de sa vie. Dans
mon cas, j’y suis allée de façon sporadique afin d’y trouver des outils pour
mieux gérer mon anxiété… Et voilà où ça m’a mené! 😉
2ième P.S. : J’en profite pour
le souligner, si j’ai été un peu acerbe envers le personnel hospitalier,
c’était plutôt pour ponctuer mon récit parce que, pour de vrai, j’ai été traité
comme une reine en plein milieu d’une vague de Covid. Body Guard en bonus,
j’ai reçu tous les soins nécessaires pour qu’on trouve ce qui n’allait
pas : Ponction lombaire, vérification si infection à l’utérus (ce qui peut
entraîner de la confusion); check sur le fait que je ne faisais pas une
méningite ou que je n’étais pas épileptique, etc.
Cette aventure a été pour moi une prise de
conscience extraordinaire. Sans jokes. Ce n’est pas d’avoir travaillé dont je
vais le plus me souvenir sur mon lit de mort. Je vais plutôt m’envoler paisiblement
cette fois, en pensant aux rencontres exceptionnelles que j’aurai faites dans
ma vie, aux amitiés que j’aurai nouées, à l’amour, à la famille, bien sûr; mais
aussi à ces rencontres déterminantes qui peuvent durer 5 minutes, mais qui marquent
pour toute une vie… Bref, j’vous confirmerai tout ça lors de mon prochain
séjour à l’hôpital. 😉
3ième P.S. : Je viens de
recevoir une facture pour mon trajet en ambulance. Ça m’a coûté 143$ dont 23$
d’extra pour le kilométrage jusqu’au CHUM. Ah, notre cher système de santé! N’empêche,
j’ai payé ma facture le sourire aux lèvres, en repensant à ces rythmes latins
qui m’accompagnaient, et au fait que la vie, ben c’est ça, des rencontres avec
soi et les autres, peu importe ce qu’elles vous coûtent en énergie, et en cash.
😉