Entre délire hospitalier et folies sur papier

Le 3 avril 2022 restera une date gravée dans ma mémoire pour longtemps. Un, parce que c’est et sera toujours la fête de mon frère. Deux, parce que c’est la première fois de ma vie que je montais dans une ambulance sur une civière. Je venais de subir une commotion cérébrale. Mon chum m’avait retrouvé dans la cuisine par terre en convulsions et mon fils de 4 ans et demi, qui écoutaient ses vidéos, n’a même pas daigné se lever pour voir la scène. Il m’a simplement répondu plus tard : « Mes vidéos étaient trop intéressants! » .

J’ai chuté parce que j’ai volontairement cessé subitement de prendre un médicament que je prenais pour la douleur (je souffre de douleurs chroniques depuis près de vingt ans et mon médecin venait de changer ma pilule pour une nouvelle médication). Or, je ne savais pas que ce médicament devait être arrêté progressivement, ce n’était pas le cas pour l’ancienne médication.

Mais quand t’as la bouche tellement sèche que tu dois boire 20 litres d’eau par jour pour t’hydrater, tu te dis : « Au y’able la pilule! ». Je suis donc tombée… du haut de ma chaise de cuisine. Apparemment, mon garçon peut en témoigner, ce n’était pas comme une fille qui s’évanouit parce qu’elle vient d’apercevoir Justin Bieber, non; je suis plutôt tombée raide comme un piquet, à pleine face sur le plancher, dans un violent Bang

En reprenant mes esprits, je constate que mon chum me traîne par la taille jusqu’au salon et en moins d’une, je m’affale mollement sur le sofa, puis je tombe (au sens figuré cette fois), dans un état de transe où la sueur ne tarde pas à mouiller tous mes cheveux. J’ai vraiment l’impression de faire une crise d’angoisse monumentale comme je n’en ai pas fait depuis ma vingtaine. Mon chum appelle le 911 et je me demande, mais pourquoi appelle-t-il le 911, c’est juste une bête crise d’angoisse? Je n’ai aucune idée que je viens de tomber. Black-out total. Et là, je vous le jure, juste pour faire mentir les statistiques, mon chum n’avait même pas raccroché avec le 911 que déjà j’entendais la sirène du camion de pompiers, tourner le coin de notre rue.

Bon, me retrouver dans cet état entouré de magnifiques pompiers aurait dû me redonner une contenance, mais non, j’étais complètement perdue, hyperventilant, si bien qu’ils m’ont plutôt donné un masque à oxygène que de me faire le bouche-à-bouche. Ensuite, l’ambulance arrive (ok, elle n’a pas battu les statistiques celle-là), et là, je vois-tu pas un beau latino débarquer dans mon salon (exit les pompiers), pendant que je suis en train de vomir ma vie. Et sa façon de dédramatiser le tout fut de me demander à quel restau j’avais mangé ce soir-là, pour qu’il n’y mette jamais les pieds! Blague à part, l’ambulancier qui est entré chez nous ce soir-là, je ne l’oublierai pas de sitôt. Primo, parce qu’il a pris 40 minutes de son temps pour calmer ma crise d’anxiété sans broncher, secundo, grâce à son calme légendaire et ce qu’il disait pour me rassurer. J’ai réalisé ce soir-là que les ambulanciers qu’on voit filer dans la circulation avec leurs multiples affiches de Vous suivez des paramédics en grève!, sont des gens en or. Leur métier est grandement sous-estimé. Bête de même.

En tout cas, mon latino à moi (désolée, je sais que je fais de l’appropriation culturelle, mais je ne me souviens plus de son nom, j’espère que c’est excusable); il ne m’a pas rushé pour que j’embarque sur sa civière. Et ça c’est SI, j’avais pu embarquer sur ladite civière comme une personne normale (euh, enfin…),  qui embarque sur une civière franchissant sa porte d’entrée. Mais non. Parce que mon balcon n’était supposément pas « aux normes ». Ost** de tabar*** de cri***!!! Ça fait un an que je demande à mon chum de mettre le balcon à niveau!! J’ai donc été forcée de descendre dignement les marches, cramponnée à la rampe et à mon beau latino (y’avait au moins ça de bon), avec ma sacoche collée sur moi, pour ainsi m’évacher sur la civière en priant pour que les voisins ne regardent pas… mes prières n’ont pas été exaucées. 😉

 

Finalement, j’embarque dans l’ambulance, et j’aperçois mon fils me regarder à travers la fenêtre du salon et son père gentiment l’attraper par le collet afin que la scène ne s’imprime pas dans son cerveau. Tsé, comme dernière image, ce n’est évidemment pas celle que tu veux laisser à ton enfant!

 

Mon paramédic me demande à quel hôpital j’aimerais aller et je lui réponds sans hésitation : « Maisonneuve-Rosemont ». C’est le plus proche et c’est celui auquel j’ai accouché. J’aime cet hôpital d’amour, même s’il est désaffecté, parce que j’ai en partie grandi en face.

 

Sauf que la personne à l’autre bout du walkie-talkie (ou de whatever comment on appelle ça aujourd’hui), brise soudainement mon rêve : « C’est plein. Ça va être le CHUM ». Je ne sais pas si vous le savez, mais le CHUM est situé à 12 km au bas mot de chez moi, ce qui, avec les nids-de-poule de la rue Notre-Dame, m’en paraîtra 60. Vomir dans une ambulance au son de musique latino d’un club dansant, c’est vraiment une expérience transformatrice dans une vie. Je suis arrivée au CHUM, et j’étais fin prête pour mon test d’arythmie cardiaque. Il s’est avéré négatif. Première bonne nouvelle de la soirée (et la seule). Une fois mon beau latino parti, je l’avoue, j’ai trouvé ça un peu plus rough. On m’a parké sur un lit dans le couloir. Nous sommes en pleine vague de Covid après tout (ou pas, enfin, c’est pareil, j’aurais été parkée dans le couloir de toute façon). Et là, je décide que je me sens mieux et pourquoi pas, je vais faire un p’tit tour aux toilettes. L’image que j’ai vu de moi dans la glace ce soir-là, elle restera à jamais figée dans mon esprit à défaut d’avoir pu la prendre en photo. J’ai des ecchymoses partout sur le visage et dans le cou, j’ai saigné du nez, et en prime, j’ai presqu’un œil au beurre noir. Quand j’ai raconté ça à une amie plus tard, elle était sidérée que personne n’est levée le flag pour se demander si je n’avais pas été battue! Bon point. Mais mon chum ne ferait jamais ça et puis pour avoir l’air d’être une femme battue, semble-t-il que j’étais assez bonne pour faire ça toute seule!

Donc, je retourne sur mon lit. Et là, une infirmière vient me voir pour m’apprendre que je ne suis plus une priorité, et que je vais devoir migrer vers la salle d’attente de l’urgence pour voir le médecin! J’arrive dans la salle d’attente, y’a pas un maudit siège double où je peux me coucher pour dormir (y’é quand même 23 heures); et on m’annonce que j’en ai pour des heures à attendre. Je retourne voir l’infirmière et je tente le coup : « Madame, désolée, mais si c’est comme ça (autrement dit si vous ne pouvez pas me redonner un lit), je rentre chez moi ». Elle refusera, pas de lit oblige. Mais j’ai vraiment besoin de me reposer… Elle me répondra donc, survolant mon dossier : « D’accord, mais faites juste appelez votre médecin de famille demain pour l’aviser de ce qui s’est passé ».

Tout ça pour ça! Vous auriez dû voir la tête de mon chum quand je suis rentrée à la maison!  

Par la suite, les choses ont déboulé assez vite. Je me suis couchée, puis je me suis mise à réangoisser. Mon chum m’a chuchoté, pour me calmer, de visualiser lorsque je gonflais mon ventre une belle lumière qui envahissait tout mon corps et quand j’expirais, une fumée blanchâtre qui sortait par le dessus de ma tête… Merci aux cours de yoga auxquels nous nous étions inscrits avant d’avoir fiston! J’ai fait ça toute la nuit, sans m’endormir. À l’aube, j’étais tétanisée. J’étais si angoissée que j’avais le sentiment de ne plus sentir mon bras gauche. Et ce sont ces paroles magiques qui ont fait bondir mon chum hors de notre lit et vite, une deuxième virée à l’hôpital! Cette fois nous sommes allés à Maisonneuve-Rosemont, au diable le CHUM, je fais un ACV! Cependant, une fois rentrée dans le vieux pavillon principal, on s’est fait arrêter par un membre du personnel: « Est-ce que c’est pour lui que vous venez? », a-t-il questionné, pointant mon fils. J’ai oublié de vous dire qu’il était du trajet. En fait, il semblerait, j’vous glisse un p’tit secret ici, que si vous voulez voir vite un médecin à l’urgence en pleine pandémie, vous n’avez qu’à apporter votre enfant, et vous n’aurez même pas le temps de vous assoir! Et vlan, me v’là étendue dans un autre lit… Et dans une chambre cette fois… Et pas n’importe laquelle, une chambre avec des portes vitrées coulissantes! Le gros luxe sale. Sauf que pour me rendre là, c’que je vous ai pas dit, c’est que j’avais un peu perdu la boule. La crise cardiaque étant écartée, disons que je glissais de plus en plus dans la confusion, pour ne pas dire, le délire, comme une vraie personne qui a subi une bonne vraie commotion cérébrale. J’étais incapable de confirmer l’heure et le jour que nous étions, encore moins la date. Quant à l’âge de mon fils, je n’étais plus sûre, je croyais qu’il avait… 2 ans! On est donc passé de tout va bien, je quitte l’urgence du CHUM à tout ne va pas bien, 2e entrée à l’hôpital et cette fois, dans celui que j’veux! Le bonheur quoi! Surtout que mon affection pour Maisonneuve-Rosemont réside aussi dans le fait que c’est ici que j’ai accompagné ma grand-mère vers la mort. Pour quiconque n’a jamais entré dans la chambre d’un mourant, je vous le recommande, c’est une expérience vivifiante qui vous apaise grandement… Surtout pour une personne souffrant d’anxiété! Mais bon, j’ai déjà écrit là-dessus, allez voir dans mes archives!

L’affaire, c’est que, je ne le sais pas encore, mais c’est un peu à cause de ces souvenirs chers à mon cœur que je commence à perdre la tête. Je suis, je vous le rappelle, dans un espace fermé, en pleine vague de Covid; et qui plus est, il y a moins de 24 heures, je me suis presque fait jeter dehors du CHUM! J’en conclus rapidement: Je vais mourir. Pareil traitement de luxe, on n’offre pas ça à une fille un peu perdue qui a fait une commotion cérébrale, ça se peut juste pas, dans notre système de santé! Pour culminer l’escroquerie, on m’a imposé une préposée au bénéficiaire à mon chevet. Et elle me suit même quand je vais aux toilettes (bon, elle m’attend à l’extérieur, mais quand même)! Je CAPOOOTE, je vais mourir!!! Et sans prévenir, en regagnant mon lit, je transitionne vers une démence orale très sentie :

-AAAAAAAAAAHHHHH, JE MEUUURS!!! (Ma poitrine se gonfle). Didascalie.

C’est quand même important les didascalies, je me croirais au théâtre, je narre ma propre mort :

(Pouf, je m’écrase sur mon lit, ma tête se tourne vers la droite, et paf, je suis morte).

C’est dans cet état que me retrouvera mon chum après avoir déposé notre fils à la garderie. Les heures qui suivront ne seront qu’une longue enfilade dramatique de la séquence ci-dessus. Si bien que le lendemain, lorsque mon chum me retrouve répétant ainsi :

-AH, JE MEURS! (pif, fini, torse et tête relâchés sur l’oreiller);

Il s’est mis à pleurer toutes les larmes de son corps! Mon chum qui pleure devant moi… Câline… C’est clair que je vais mourir!!! Puis tout à coup, ça me vient, si on m’a isolé dans cette pièce aux portes vitrées, c’est sûrement parce que tabarnouche, je l’aie la Covid! BINGO. J’ai enfin trouvé de quoi je mourrais! Et comme si ce n’était pas assez d’énervements, on m’annonce que je vais passer une IRM. Je n’ai aucune espèce d’idée de ce qu’est une IRM mais il semblerait que c’est de l’imagerie cérébrale. Bof, cela ne peut pas faire de tort. Une fois déposée sur la table qui m’insérera dans le long tunnel blanc pas rassurant, je pose les yeux au ciel en attendant d’entrer, dans la patente.

Aparté : Si vous êtes du personnel de Maisonneuve-Rosemont et que vous lisez ces lignes, svp, prenez note : Dessiner un ciel bleu poudre avec un soleil radieux, des petits oiseaux qui chantent pis toute le kit, (j’ai même cru voir des anges); bref, un ciel de paradis, c’est pas l’idée du siècle avant d’entrer dans un tunnel! Faque le tunnel, j’en suis sortie en me débattant et en agrippant mes bras et mes jambes à la paroi, pour mieux reculer. C’est quand même pas vrai que j’allais mourir de même, au bout d’un long tunnel frette, même si je savais que le paradis m’attendait, avant la fin de mes jours en plus!

Vous auriez dû voir la face de la madame quand elle est allée raconter à mon chum comment j’étais sortie de là… Un peu plus et elle lui affirmait qu’elle n’avait jamais vu ça en 35 ans de carrière! Come on! Bref, retour au bercail, confinée entre quatre murs, avec mon chum qui me jure que je n’ai pas la Covid (du moins, pas encore). Et comme il n’arrête pas de pitonner sur son cell, il me prends-tu pas l’envie de regarder mes courriels. En somme, j’étais en train de répondre à un de mes clients quand j’ai vu le cellulaire s’envoler de mes mains pour ne réapparaître… que 2 jours plus tard!

Nuit. Hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Je ne sais pas que c’est la nuit. Mais je sais que mon chum n’est plus là et qu’une autre préposée aux bénéficiaires est miraculeusement apparue (quand même, y’a des patients qui tueraient pour avoir une préposée attitrée à soi!). Pis celle-là, ben disons qu’elle aime bien son cellulaire, si bien que je n’ai aucun souvenir de son visage relevé vers moi. De mon côté, je n’en ai pas fini avec ma psychose. Je vois ben que chu pas morte. Ça fait presque 2 jours que j’suis là, je n’ai toujours pas dormi, aussi bien crever (dans ma tête, si je sombre dans le sommeil, je meurs); faque non, je ne vais pas dormir. Mais là, je m’remets à penser… Aye, c’est vrai, j’suis propriétaire d’une entreprise moi… Depuis combien de temps déjà… 4 jours? Oui, c’est ça, 4 jours (en réalité, ça fait un peu plus longtemps, mais bon)… Coudonc, ça doit être pour ça que j’avais l’impression de faire un ACV… J’ai toujours douté que j’avais les nerfs assez solides pour racheter l’entreprise de mon père… J’AI TROUVÉ : Je suis ici parce que je vais mourir d’un ACV parce que ça fait juste 4 jours que j’ai signé, pis, ben, c’est évident, ÇA ME STRESSE TROP! De toute façon, s’occuper d’un enfant en bas âge à 44 ans pis d’une entreprise, c’est ben trop pour une fille qui fait de l’anxiété depuis sa jeunesse!

Parenthèse : À ce moment précis, personne ne sait encore pourquoi je suis à l’hôpital, ni même mon chum, ni même le médecin de garde, et surtout pas moi-même! J’en déduis que définitivement, faut que j’appelle le notaire, faut résilier la vente de l’entreprise, et que ça saute! Petit problème, je n’ai pas de téléphone. Je tente alors de convaincre la préposée aux bénéficiaires que c’est beaucoup trop pour moi Volton (le nom de ma compagnie), et qu’avoir un enfant à mon âge, les deux responsabilités en même temps, c’est trop, donc faut appeler le notaire! Je l’ai achalé avec ça pendant des heures. Exaspérée, elle a fini par me pousser une phrase (à peu près la seule qu’elle ait prononcé), les bras dans les airs, avec son cellulaire : « Mais c’est quoi ça, VOLTON?!! » . J’aurais reçu une gifle en plein visage que ça aurait été pareil. Non seulement elle ne savait pas ce qu’était Volton, MON entreprise, mais en plus, elle m’avait littéralement lancé en pleine face ce que j’ai interprété comme un : « What the fuck is Volton?! ».

C’est à partir de là que j’ai commencé à me calmer (il était temps, vous me direz), et que je me suis enfoncée dans une lente agonie, en acceptant cette fois que, ben d’la marde, m’a mourir d’une crise cardiaque à 44 ans. C’est comme si tout à coup, lasse de mon sort, épuisée de tant d’heures à m’énarver, j’acceptais finalement que j’allais mourir 4 jours après avoir signé l’acte de vente de Volton. Dans ma tête, j’ai soudainement entendu mon chum et mon père me murmurer : « C’est correct Julie, on va en prendre soin du petit et de Volton. Tu peux partir en paix. ». Et ceci répété ad nauseum. Le plus bizarre dans tout ça, c’est que je sentais mon père me tapoter le bras, toujours dans ma tête, comme je l’avais vu faire pour ma grand-mère alors qu’elle était sur le point de décéder. Vous voyez : La boucle se bouclait. J’ai alors accepté de mourir dans ces circonstances, quasi sereine en me répétant que pour une courte vie, j’avais quand même vécu de bons moments.

 

Après ce qui m’a paru une éternité (j’ai eu l’impression de dormir 36 heures d’affilée), je me suis réveillée, pas morte, surprise de ne pas l’être, et couchée en position fœtale. Oh my god, j’avais SURVÉCU! Pis la préposée en face de mon lit avait disparu! C’était plus que bon signe, ça voulait dire que j’étais SAUVÉE! Bon de moi-même, mais sauvée quand même. Deux rôties traînaient sur un plateau à côté de mon lit. J’en ai pris une pour l’engloutir… et j’ai pris toute l’ampleur du coup de bat de baseball que j’avais reçu du côté droit de la mâchoire.

Mes yeux se sont ensuite posés sur une pompe d’asthme, déposée-là durant mon sommeil. Ben oui, la medame a fait de l’asthme en plus. J’ai levé les yeux. Je n’étais plus dans ma belle chambre vitrée, mais plutôt dans un espace avec rideau entre moi et les autres patients, en face du bureau des secrétaires. Je venais de downgrader mon séjour à l’hôtel, en revanche, ça voulait dire que j’allais vraiment mieux… Jusqu’à temps que je saisisse la fameuse pompe d’asthme. Elle indiquait une date périmée. Re-plongeon dans le doute. Quelle date sommes-nous? Et qui sont ces gens en face de moi? Aucun de leurs visages ne me dit rien. J’ai tellement le sentiment d’avoir dormi longtemps que j’ai l’impression qu’on est un mois plus tard… Ou encore, des années? C’est quand la dernière fois que j’ai vu mon chum ici? Il m’a peut-être abandonné, voyant que j’étais folle et que mon état dit « normal », ne revenait pas. En gros, j’ai la sensation d’être dans une mauvaise version de Retour vers le futur. Je me lève et va voir le secrétaire derrière son ordinateur :

-Moi : Monsieur, ma pompe d’asthme est expirée depuis mars 2022.

-Lui : Ah, madame, c’est pas grave, on est juste en 2040!

Je blague, il m’a tout bonnement lancé : « Même un mois plus tard, c’est encore bon ». Je me suis alors rassise sur mon lit puis je me suis rendue à l’évidence : Je n’étais pas dans une version cheap de Retour vers le futur, j’étais dans la vraie vie, en 2022, en pleine vague de Covid… ÇA VA BIEN ALLER…

Une psychiatre est, je dirais, FINALEMENT, venue me voir : « Madame, trouvez-vous ça normal de dormir aussi longtemps? ». Euh… oui. Quand t’as mimé que t’allais mourir dans la meilleure version de tes talents d’actrice (ça aurait certainement mérité un Oscar ou au moins, un Golden Globe); donc, oui madame, c’est normal d’être épuisée après une performance de même! Elle m’a ensuite rappelé les niaiseries que j’avais débitées (nul besoin), et m’a signifié que je semblais vivre beaucoup de stress dans ma vie, et qu’il serait peut-être bon que je consulte, afin de mieux vivre avec mes angoisses, question de ne plus engorger le système de santé (ok, ce dernier point, elle ne l’a pas nommé). Elle a terminé en m’interrogeant : « Ça fait combien de temps que vous avez pris une semaine de vacances sans regarder vos courriels? ».  Euh… Ben, je viens de le faire? Bon… Force était d’admettre qu’elle avait raison, j’étais incapable de me souvenir de la dernière année où j’avais pris des vacances sans regarder mes courriels d’la job. En conséquence, elle m’a inscrite sur leur liste d’attente pour un suivi en psychiatrie. Je venais de gagner le gros lot : Un an ou plus d’attente. M’a te prendre un 6/49!

Quand mon chum est enfin arrivé ce matin-là, ça m’a rassuré. Un, il ne m’avait pas abandonné. Deux, il avait le sourire fendu jusqu’aux oreilles. Ça ne lui avait pas pris 2 secondes pour réaliser que je n’étais plus en train de mimer que je mourrais!

J’ai donc finalement passé l’IRM (avec médication cette fois et sans regarder le ciel paradisiaque au-dessus de ma tête, conseil de mon chum); puis on m’a donné mon congé en après-midi. J’ai eu un bon petit (gros) mal de tête durant des jours, et à part que j’avais perdu un morceau de palette d’une de mes dents d’en avant, tout allait comme sur des roulettes :

1. Je n’allais pas mourir.

2. On m’a bien expliqué que c’était le médicament que j’avais arrêté brusquement qui avait été la bougie d’allumage. On appelle ça dans le jargon, « l’effet rebond ». Accessoirement, mon taux de sodium étant affreusement bas, ça avait eu pour effet d’alimenter la confusion, tout comme ma commotion cérébrale.

3. Les 2 derniers mois avaient eu beau être stressants au travail, ma mère avait quand même élevé deux enfants de façon monoparentale, en plus d’avoir une job très prenante, et trois maisons à s’occuper, dont deux blocs appartements. Je m’estimais donc capable de garder mon entreprise et d’élever un enfant… à mon âge vénérable!

En définitive, j’étais juste heureuse d’être en vie. Et pendant 2 semaines, j’ai vécu dans une espèce d’euphorie orgasmique. Si bien qu’une de mes amies s’est un jour exclamée : « Coudonc, veux-tu ben me dire quelle pilule du bonheur ils t’ont donné à l’hôpital?! ».

La rose. Oui, celle qui vous fait vivre une journée à la fois, en ayant un plaisir aphrodisiaque à faire votre lavage, doublé d’une urgence de vivre qui vous pousse même à planifier une escapade en Montgolfières avec votre amoureux parce que, pif, la peur des hauteurs, c’est quoi accomparé au merveilleux monde que je pourrais voir d’en haut? Et sans ciel bleu avec trop d’oiseaux, svp!

P.S. : Rassurez-vous, depuis, j’ai fait un tour chez ma psy… J’en profite d’ailleurs pour le dire, aller chez le psy en 2022, ça ne devrait pas être vu comme elle ou il, a un problème. Me semble qu’on a dépassé ce niveau-là. Puis une mise au point, si c’est bon pour une auto, ça devrait être bon pour un humain à certains moments de sa vie. Dans mon cas, j’y suis allée de façon sporadique afin d’y trouver des outils pour mieux gérer mon anxiété… Et voilà où ça m’a mené! 😉

2ième P.S. : J’en profite pour le souligner, si j’ai été un peu acerbe envers le personnel hospitalier, c’était plutôt pour ponctuer mon récit parce que, pour de vrai, j’ai été traité comme une reine en plein milieu d’une vague de Covid. Body Guard en bonus, j’ai reçu tous les soins nécessaires pour qu’on trouve ce qui n’allait pas : Ponction lombaire, vérification si infection à l’utérus (ce qui peut entraîner de la confusion); check sur le fait que je ne faisais pas une méningite ou que je n’étais pas épileptique, etc.

Cette aventure a été pour moi une prise de conscience extraordinaire. Sans jokes. Ce n’est pas d’avoir travaillé dont je vais le plus me souvenir sur mon lit de mort. Je vais plutôt m’envoler paisiblement cette fois, en pensant aux rencontres exceptionnelles que j’aurai faites dans ma vie, aux amitiés que j’aurai nouées, à l’amour, à la famille, bien sûr; mais aussi à ces rencontres déterminantes qui peuvent durer 5 minutes, mais qui marquent pour toute une vie… Bref, j’vous confirmerai tout ça lors de mon prochain séjour à l’hôpital. 😉

3ième P.S. : Je viens de recevoir une facture pour mon trajet en ambulance. Ça m’a coûté 143$ dont 23$ d’extra pour le kilométrage jusqu’au CHUM. Ah, notre cher système de santé! N’empêche, j’ai payé ma facture le sourire aux lèvres, en repensant à ces rythmes latins qui m’accompagnaient, et au fait que la vie, ben c’est ça, des rencontres avec soi et les autres, peu importe ce qu’elles vous coûtent en énergie, et en cash. 😉

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